À chaque région son interprétation

À Verviers, par exemple, des jeux de rôles simulent des réunions de parents et des conseils de classe. Au Luxembourg, les futurs enseignants participent à une présentation théorique de l’approche orientante avant de la mettre en pratique en réalisant une trame de leçon. À Liège, à Huy et dans le Brabant wallon, les futurs agrégés assistent à une animation leur présentant l’enseignement qualifiant et visitent ensuite des écoles qualifiantes ou partagent un moment de débriefing après leur stage dans une école qualifiante.

Changer les mentalités

Pour Benoît Gochel, directeur de l’Institut Don Bosco à Huy, et Michaël Berzolla, directeur de l’École Polytechnique de Huy, le projet SENSI sert à démystifier l’enseignement qualifiant et à casser les idées reçues. « Pour cela, rien de tel que d’ouvrir nos portes et montrer ce que nous faisons. L’enseignement qualifiant est un enseignement d’excellence », affirme B. Gochel. « Nous devons sensibiliser les futurs enseignants en leur montrant que le qualifiant est au moins aussi important que le général. Il faut à tout prix les informer plutôt que de laisser la désinformation faire son effet. Beaucoup de jeunes professeurs refusent des postes dans le qualifiant par méconnaissance », souligne M. Berzolla.

Une aventure profondément humaine

« Grâce au projet SENSI, les futurs profs découvrent le côté humaniste profond de la relation enseignants-élèves dans le qualifiant. Ils ont la chance de contribuer à l’épanouissement direct des jeunes et de les former à des métiers recherchés par la société », précise B. Gochel. « Ils construisent le projet de l’élève avec eux, sur plusieurs années », ajoute M. Berzolla. « C’est valorisant pour l’enseignant. Chez nous, chaque élève a une histoire à raconter. Une complicité et des liens privilégiés se créent souvent entre professeurs et élèves. Cette richesse relationnelle est exceptionnelle. »

Retours positifs

Le projet SENSI fait tomber de nombreuses barrières. Les futurs enseignants sont heureux de découvrir un monde qu’ils ne connaissaient que peu ou pas. Selon B. Gochel, ce projet doit se poursuivre en touchant tous les acteurs des écoles qualifiantes et en l’étendant même aux futurs instituteurs de primaire et de maternelle. Et M. Berzolla de conclure : « Il y a un fossé à combler entre la réalité du terrain et la formation des enseignants. Il est indispensable de continuer à informer. Il faudrait même imposer un stage dans le qualifiant durant la formation des enseignants. 

Que pensent réellement les futurs enseignants qui ont participé au projet SENSI ?

Hélène Protin (38)

Ancienne employée dans la biotechnologie.
En reconversion professionnelle.
En cours d’agrégation pour enseigner dans le secondaire supérieur.

 

Vicky Borguet (25)

Bachelier en chimie et master en sciences chimiques à finalité didactique.
Enseigne depuis 1 an dans le degré inférieur et supérieur.

Pourquoi avez-vous participé au projet SENSI ?

HÉLÈNE : J’avais la préconception que le qualifiant n’est pas suffisamment valorisé et qu’il pâtit d’une image du nivellement par le bas, avec des élèves qui « dégringolent » vers le qualifiant. Lors de la présentation SENSI, l’ampleur de la charge de travail demandée aux élèves dans ces filières m’a interpellée. J’ai voulu voir ce que cela donnait sur le terrain. J’en suis ressortie avec une meilleure vision du travail d’un enseignant dans le qualifiant et des attentes des élèves dans cette filière.

VICKY : J’ai suivi les conseils de mon professeur de didactique disciplinaire. Et je voulais me rendre compte des différences entre l’enseignement qualifiant et général. Je n’étais jamais allée dans une école qualifiante. J’ai découvert de nombreuses formations et de très beaux projets menés par les élèves. La relation élèves-professeurs est très différente de ce que j’avais pu voir dans l’enseignement général, ce qui m’a vraiment surprise.

Qu’en avez-vous retiré ?

HÉLÈNE : J’ai compris que les aspirations des élèves sont très diverses : certains sont là pour rester avec leurs copains, d’autres par affinité pour le secteur. Certains veulent travailler après leurs secondaires, d’autres poursuivre des études supérieures. Les enseignants connaissent bien leurs élèves, ce qui est essentiel pour bien les orienter. J’ai vu des élèves très autonomes, d’une grande maturité professionnelle.

VICKY : Un nouveau regard sur l’enseignement qualifiant. Je me suis rendu compte que, finalement, je ne le connaissais pas très bien.

En quoi le projet SENSI a changé votre perception de l’enseignement qualifiant ?

HÉLÈNE : J’en avais une image incomplète. Mécanicien automobile, mon père m’a toujours donné une image positive des métiers manuels. En secondaire, je trouvais injuste qu’être en professionnel soit souvent considéré comme un signe d’échec. Cette visite SENSI m’a confirmé que des élèves « abimés scolairement » arrivent souvent dans le qualifiant avec l’idée qu’ils sont « trop bêtes » pour le général. Il s’agit de leur redonner de la confiance en soi et du sens.

VICKY : L’idée que je me faisais de cet enseignement n’était pas erronée, mais incomplète. L’enseignement qualifiant n’a pas très bonne réputation. On pense souvent qu’il s’agit uniquement d’un enseignement dans lequel on dirige les élèves que l’on considère comme « pas assez bons » pour l’enseignement général. Or, j’ai rencontré des élèves vraiment motivés et passionnés par les métiers plus techniques.

Seriez-vous aujourd’hui ouverte à un poste d’enseignante dans le qualifiant ?

HÉLÈNE : Oui, donner aux élèves des cours de base ou orientés vers leur domaine en essayant de les adapter à leurs besoins professionnels est une idée qui m’enthousiasme. Et j’aimerais faire des visites de stage pour voir des élèves sur le terrain.

VICKY : J’ai commencé par donner cours dans le qualifiant pendant 6 mois. La relation élèves-professeurs était très enrichissante, mais la façon d’enseigner ne me correspond malheureusement pas.

Pourquoi le projet SENSI est-il important pour les futurs enseignants ?

HÉLÈNE : Le qualifiant est une filière qui souffre de préjugés, souvent appréhendée avec méfiance. Le projet SENSI tente de démystifier cela. De plus, en visitant différents types d’environnements scolaires, un futur enseignant se fait une meilleure idée de son choix de carrière.

VICKY : La façon d’enseigner n’est pas la même dans le qualifiant, les relations sociales y sont plus importantes. Le projet SENSI contribue à déconstruire les idées fausses et les stéréotypes sur le qualifiant. Il est important de découvrir cet enseignement par soi-même au lieu de se fier aux « on-dit » !